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vendredi 19 juillet 2013

Le recouvrement d’âme

Laurent Huguelit

Dans le chamanisme, l’âme assure l’intégrité énergétique et spirituelle de l’individu. Le travail des chamanes consiste à maintenir cette intégrité, et parfois à la rétablir.


Dans le chamanisme, tout n’est finalement qu’une histoire d’âme : lorsque celle-ci est bien ancrée dans le corps, qu’elle est unifiée et présente dans la réalité matérielle, l’individu est en pleine possession de ses moyens.
Il est alors protégé de la maladie, de la souffrance et de la peur, et ressent la connexion intime qui le relie au sens de l’existence et lui permet d’exprimer librement sa créativité et son enthousiasme. Il est dans « l’état de grâce », pour reprendre l’expression de la psychologue américaine Sandra Ingerman, spécialiste du recouvrement d’âme et auteur de Soul Retrieval(Recouvrer son âme), l’ouvrage de référence sur cette pratique. Il arrive cependant que l’âme ne soit pas complètement présente dans le corps, et que l’être souffre de son absence ; il lui manque ou il a perdu « quelque chose », et ce sera au chamane, « l’appeleur d’âmes », de partir à la recherche de ce supplément d’âme qui lui fait défaut, et de lui restituer.

Alors que dans les cultures traditionnelles, la perte de l’âme a dans la plupart des cas des causes surnaturelles (esprits possessifs, sorcellerie, etc.), Sandra Ingerman explique que « de nos jours, [elle] est souvent due à des traumatismes comme l’inceste, les abus sexuels, la perte d’un être aimé, la chirurgie, un accident, une maladie, une fausse couche, un avortement, le stress du combat ou encore les toxicodépendances. » Confrontée à la douleur ou à un choc, l’âme se morcelle et certains de ses « fragments » retournent dans la réalité non ordinaire, au-delà du temps, de l’espace, de la souffrance et de la douleur. Autrement dit, des parties de l’âme s’échappent du corps et vont se ressourcer dans leur berceau spirituel, loin des aléas de l’existence matérielle.

Cependant, la perte de l’âme n’est pas uniquement provoquée par des événements traumatisants, et le seul fait de venir prendre forme dans un corps humain peut suffire à provoquer un morcellement de l’âme. Elle peut avoir des difficultés à assumer d’avoir pris forme dans la matière, acte courageux s’il en est.



Initiation et incarnation


Dans la plupart des cultures traditionnelles, les rites de passage et les initiations sont autant de manières de renforcer le lien à l’âme, ou d’en récupérer des morceaux qui seraient partis en vagabondage. Pour prendre un exemple classique, lorsque l’individu ritualise son passage à l’âge adulte, il intègre son âme d’adulte, qui vient en quelque sorte compléter son âme d’enfant. Inutile de préciser que dans ces cultures, les rites de passage sont les moments les plus importants de la vie de l’individu, parce que c’est par leur intermédiaire que ce dernier se définit en tant qu’être incarné dans un corps, et qu’il prend sa place dans le groupe social. Comme l’a si bien dit l’anthropologue Pierre-Yves Albrecht lors d’une conférence à laquelle j’ai eu le plaisir d’assister au forum du GRETT, « nous vivons pour être initiés ». Cela signifie qu’au-delà de nos préoccupations triviales et « terrestres », nous vivons avant tout pour intégrer notre âme, pour l’incarner pleinement. Dans la société moderne, il semblerait que nous ayons cruellement besoin de retrouver nos âmes, ne serait-ce que parce que nous les avons délaissées en cessant de croire en elles.


Il est d’autant plus intéressant d’observer que dans les symptômes classiques de la perte de l’âme, il y a le fait d’être sans cesse en quête de quelque chose, d’être insatisfait, de consommer aveuglément pour chercher à remplir un vide. Selon cette grille de lecture chamanique, la société de consommation serait la résultante d’un manque d’âme généralisé.


Un travail d’orfèvre


Pour accomplir un recouvrement d’âme, le chamane va entreprendre un voyage chamanique durant lequel ses esprits alliés le conduiront là où se trouve le bout d’âme qui s’est réfugié dans l’autre monde (voir encadré). Dans certains cas, il se rendra dans le passé de son client et percevra les circonstances qui ont provoqué la fuite de son âme, alors que dans d’autres cas, il voyagera dans des mondes très éloignés de la réalité tangible qui ne lui seront perceptibles que par pure abstraction. Dans tous les cas, le chamane fera en sorte de retrouver l’âme de son client, qu’il pourra ensuite ramener dans la réalité ordinaire et ancrer dans le corps de celui-ci, par exemple en l’insufflant dans son coeur.



Cette approche du recouvrement d’âme est largement pratiquée aujourd’hui dans le cadre du chamanisme moderne. Décrite ainsi sommairement, cette technique peut sembler relativement simple à mettre en oeuvre, mais elle demande cependant une certaine expérience de la part du chamane praticien, car le travail sur l’âme est un travail d’orfèvre. On ne « joue » pas avec le recouvrement d’âme, parce qu’il met le praticien en contact avec l’intimité la plus profonde de la personne pour laquelle il travaille.


Une fois que l’âme a été récupérée par le chamane, c’est ensuite au tour du client d’entreprendre un travail d’intégration – ou d’incarnation –, qui peut prendre des semaines, des mois, voire des années à mûrir. Car l’âme qui est de retour a soif de nature, de beauté et de joie de vivre, et elle demande que l’on s’occupe d’elle. Cela peut parfois signifier entreprendre de grands changements dans sa manière de vivre – autrement dit, mettre plus d’âme dans sa vie. Mais avant tout, il s’agit d’apprendre à être soi-même, car être soi-même est l’expression la plus simple et directe de l’âme.


L'auteur de l'article : Laurent Huguelit - Chamane suisse

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    C'est simplement écrit et très complet.
    Merci car cela me donne des pistes importantes.
    Avec mes meilleurs sentiments.
    Margaret

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